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Habiter en écriture

Frédérique Germanaud et Marcelline Roux invitent des écrivains à témoigner sur leur rapport au lieu d'écriture.

Christian Doumet

La question suppose une relation entre le lieu et l'écriture. C'est cette hypothèse qui me semble exiger un éclaircissement. Pour ma part, je ne crois pas qu'il y ait le moindre lien entre ce qu'on écrit et le lieu où l'on écrit. Si ce lien existait, il annulerait l'effort même d'écrire, qui consiste à s'abstraire de l'ici et du maintenant pour gagner d'autres réalités que celle des choses présentes, d'autres représentations que celles que nous fournissent le visible et le sensible immédiats, d'autres constructions mentales que celles que nous inspirent nos pulsions. Dire que les lieux ont une influence sur l'écrit, c'est démissionner de la puissance de l'écriture. Je ne nie pas que certaines ambiances nous portent dans telle ou telle direction imaginaire. Mais par des voies si complexes que nous devons renoncer à la croyance simple d'une influence. C'est transformés par une mémoire, un imaginaire et une histoire personnelle que certains lieux apparaissent dans des œuvres. Et encore, comme des ombres, ou en filigrane.

Je rêve d'habiter certains lieux, certaines maisons – rêve d'ailleurs assez naïf d'une vie qui ne serait pas la mienne. Mais d'y écrire, nullement. Si je me vois écrire là où j'aimerais vivre, je sais que c'est un cliché pour magazine en papier glacé. Je me suis trouvé, un jour, dans un lieu de rêve, disposant d'un immense bureau, entouré d'une merveilleuse bibliothèque avec vue sur la nature provençale : m'asseyant au bureau, je n'ai rien eu envie d'écrire. Ce fut une leçon définitive. J'aime mieux les trains, les bus, le métro. Le métro surtout.

La parole humaine est le seul vrai obstacle à toute écriture. Je ne peux pas écrire là où elle règne, c'est-à-dire dans presque tous les lieux publics aujourd'hui.

                Je visite les maisons d'écrivain, oui. D'abord par voyeurisme. Ensuite pour tenter de réimaginer quelque chose d'inimaginable : le moment où  font irruption dans une conscience les mots de l'œuvre, pour peu que cette œuvre me soit chère (je n'irai pas visiter l'œuvre de Houellebecq ou de d'Ormesson). C'est une sorte d'imaginaire de l'écriture au second degré. Au demeurant, assez idiot.

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