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Habiter en écriture

Frédérique Germanaud et Marcelline Roux invitent des écrivains à témoigner sur leur rapport au lieu d'écriture.

Sylvie Durbec

J’ai écrit les Carrés ( à paraître chez Faï Fioc) dans la carabanne, soit la caravane de plein air, cabane des mots, entre les arbres. Je m’étais fixé une contrainte, écrire ces textes dehors, une écriture de plein air, rythmée par le froid, le vent, la tiédeur de l’air, les circonstances, un par jour ou quelque chose comme ça.

Cabane plantée dans un jardin, la caravane avait pourtant voyagé jusqu’en Andalousie. Ses propriétaires n’étaient plus en mesure de s’occuper d’une maison, roulante ou sédentaire, et leurs enfants avaient dû se séparer des meubles, des objets et de la caravane afin de vendre la propriété. J’avais dormi sous les châtaigniers dans la petite maison roulante retenue par des granits et je rêvais de l’amener plus au sud. Ce que nous avons fait dans des conditions assez folles.

Ensuite je l’ai transformée pendant quelques mois en maison d’écriture. Le Petit y a fait une sieste. Nous y avons passé une nuit claire à écouter les chouettes et les étoiles. J’y avais transporté Bartleby et le Grand Escroc de Melville que j’aime particulièrement. Et Gaspard de la Nuit.

La carabanne est au jardin, vide et sans écriture depuis l’an dernier.

J’écris maintenant en face de la fenêtre.

J’essaie d’écrire. Au milieu de la maison.

Je rêverais d'écrire en lisière de forêt. Comme en avril, à Sault, chez Anne Calas, pour finir mes histoires animales. Je ne rêve que d’y retourner. Besoin de brume, peut-être. Écriture nomade comme mes bêtes de mots.

Je ne peux pas écrire quand la maison est pleine. D’amis, d’enfants, de paroles. Il faut attendre que le silence revienne. Que le poids d’écriture soit assez puissant pour m’obliger à aller dans un coin noter ce qui résiste. Qui s’écrira plus tard. Solitude revenue.

Je n’écris pas au café. Mais dans un train, oui. À cause du défilement du paysage. Et si le compartiment est silencieux.

            A Lisbonne, je suis allée voir une des maisons où a logé Fernando Pessoa. Son dénuement a permis la multiplicité des hétéronymes.

           Je préfère marcher - un peu- là où ont marché certains écrivains aimés. Comme Sebald en Belgique au camp de concentration, près de Malines. Ou Giono, sur le Contadour à Redortiers. Marcher en Suisse, là où Robert Walser a marché, longer les chemins de l’île saint-Pierre où fut Rousseau, j’ai aimé m’attarder dans sa chambre. Ou bien sur les traces des inconnus qui ont orné les grottes (Chauvet, Lascaux et d’autres). Malgré la difficulté, je poursuis la marche. Le dehors, ce qu’ont vu, entendu, senti les écrivains aimés, guide le désir. Progressant à leur suite, j’avance.

          Et mon besoin de plein air est grand. D’enfermement tout aussi grand. Besoin de retirement en même temps.


 

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